Littérature n° 153 (1/2009)
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La nouvelle de Maupassant « La mère Sauvage » est lue habituellement comme une sorte de récit étiologique fondé sur la tentative de justification d’une dénomination. Notre hypothèse de lecture — à la croisée de l’ethnologie du symbolique et d’une poétique des oeuvres littéraires — est que le trouble jeté sur le patronyme du personnage (nom ou surnom ?) conduit en fait à reconsidérer le programme narratif annoncé. En effet, la mère Sauvage ne devient pas « sauvage » parce qu’elle venge « atrocement » son fils unique, mort sur le champ de bataille ; si elle est capable d’un tel geste c’est parce que le texte la pose d’emblée comme « sauvage ». L’étude de ce récit menée dans une perspective ethnocritique (onomastique, habitat liminal, imaginaire culturel du braconnage, tuée des Prussiens — tuée des cochons, usages de l’écrit dans l’écrit, postures d’un narrateur-chasseur, etc.) tente de reposer, , la question de la « sauvagerie » et de ses représentations, question aussi importante pour les cultures que pour les littératures.
Maupassant’s short story, La mère Sauvage or Mother Savage, is usually read as a kind of case-history based on the attempt to justify a denomination. Our reading hypothesis — at the intersection between an ethnology of symbolism and a poetics of literary works — is that the ambiguity regarding the character’s moniker — is it a surname or a nickname ? — should lead us to reconsider the narrative program as announced. For it is not because mother Savage “most horribly” avenges her only son’s death on the battlefield that she becomes “savage”; it is because the text calls her “savage” from the start that she is able to perform such an act. Studying this story with ethnographic critical tools (onomastics, initial habitats, the cultural imagination of poaching, the kill of Prussians/pigs, the uses of writing within writing, the postures of a narrator who is also a hunter, etc) posits, in fine, once again the question of the savage and its representations, a question as fundamental for culture(s) as for literature(s).