ROMANTISME N°206 (4/2024)
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Antoine-Alexandre Barbier, bibliographe, publie en 1805 le premier volume de son célèbre Dictionnaire des ouvrages anonymes. Il y révèle des milliers d’identités d’auteurs déguisés, dans le but de corriger et de compléter les collections des bibliothèques : un bon tiers, selon lui, y est anonyme ou pseudonyme. Le Dictionnaire amorce une « chasse aux anonymes » qui deviendra un passe-temps populaire parmi les bibliophiles. Un collègue bibliographe, Pieter Van Thol, prétend malgré tout avoir la priorité sur le sujet et sur ces découvertes. Une querelle se déclenche : à qui donc appartiennent les anonymes ? Quelle valeur donner à l’identité, à l’époque d’un état civil et d’une propriété intellectuelle encore balbutiants ? Quelle est la fonction du nom d’auteur, au début du XIXe siècle ? Pour y répondre, cet article fait usage des correspondances de Barbier et de Van Thol, de leurs ouvrages respectifs, des journaux, ainsi que des textes de lois. On démontre ainsi l’inconstance du rapport à l’identité civile, à cette époque, illustrée par les usages étonnants du nom d’auteur dans les milieux érudits : marque d’identité, simple donnée scientifique ou, plutôt, formule de politesse et monnaie d’échange.
In 1805, bibliographer Antoine-Alexandre Barbier published the first volume of his famous Dictionnaire des ouvrages anonymes. In it, he revealed thousands of disguised authors’ identities, with the aim of correcting and adding to library collections: a good third of them, according to him, were anonymous or pseudonymous. The Dictionnaire sparked a “hunt for the anonymous” that was to become a popular pastime among bibliophiles. A fellow bibliographer, Pieter Van Thol, nevertheless claimed to have priority over the subject and these discoveries. A quarrel ensued: to whom did the anonymous belong ? What value should be placed on identity in an age when civil status and intellectual property were still in their infancy ? What was the function of the author’s name in the early 19th century ? To answer these questions, this article will make extensive use of correspondence between Barbier and Van Thol, their respective works, newspapers and legal texts. It will demonstrate the inconstancy of the relationship with civil identity at that time, illustrated by the surprising uses of the author’s name in scholarly circles: as a mark of identity, a simple scientific fact or, rather, a polite formula and a bargaining chip.