Romantisme n° 138 (4/2007)
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Le destin des modèles, dans l’histoire des sciences comme dans celle des sociétés, est peut-être de passer inéluctablement de l’utopie à la caricature, mais non sans avoir suscité entretemps un bouleversement fécond des idées et des représentations. Toujours hasardeux, imprécis, insuffisant ou excessif, tout modèle est à la fois le produit et l’agent d’une crise des savoirs. La culture populaire, elle-même si incertaine de ce qu’elle sait, accueille et métamorphose en tout autre chose ce que les modèles qu’elle rencontre peuvent lui offrir, y compris par la médiation de la littérature. Celle-ci produit, à l’occasion, ses propres effets de connaissance, mais contribue tout aussi bien, à d’autres moments, à la dégradation des plus fécondes figures du savoir en stéréotypes vidés de toute plus-value cognitive. C’est ainsi que le modèle du « fluide » n’a pas cessé d’inspirer pendant deux siècles les recherches des savants et les vagabondages des rêveurs.
In scientific as well as in social histories models often fatally end up as caricatures after having spawned great utopias. In the meantime, they may have troubled ideas and representations in the most productive manner. Any model, because it is uncertain, insufficient, excessive or fanciful, can be both a by-product and an agent in the crisis that knowledge ceaselessly undergoes. Popular culture is of itself quite unsure of what it knows and so, welcomes and transforms whatever the models it encounters have to offer, including via the mediation of literature. Literature, at times, produces its own cognitive effects but it can also, at other times, contribute to the degradation of true knowledge into empty stereotypes. That is how the “fluid” model has never ceased to inspire researchers and dreamers alike for the best part of two centuries.