
Romantisme n° 151 (1/2011)
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Le premier XIXe siècle connaît une telle pénurie d’argent liquide que chacun recourt aux instruments du crédit pour investir ou subsister, mais également pour régler les échanges quotidiens. Cet endettement généralisé engendre une véritable obsession de la dette dont la littérature se fait largement écho. Qu’on considère les physiologies ou le roman, c’est toute la production littéraire qui est en quelque sorte fiduciarisée, le récit s’organisant non seulement autour de la représentation des dégâts du crédit, mais empruntant également ses motifs et structures aux schèmes fiduciaires. L’étude des modalités d’inscription narrative du crédit permet ainsi de mesurer les hésitations entre un traitement purement réifié ou, à l’inverse, une inscription profonde de ses logiques au coeur du récit. Objet mélodramatique chez Karr ou Dumas, le crédit devient chez Balzac un facteur de dynamique romanesque qui soumet l’argent aux complexes dialectiques du temps et du désir. Beaucoup plus qu’un simple expédient financier, le crédit devient une modalité morale et économique de relation aux autres et d’être au monde, et s’affirme comme un principe poétique.
The first half of the 19th century in France was characterized by such a great shortage of cash that everybody had to use instruments of credit in order to invest, live or even take part in everyday trade. This global indebtedness led to a veritable obsession with debt, which literature was able to express in a variety of ways. The whole literary production of the time – the novels and the physiological studies of the 1820-1840s – appears in some way « fiduciarized », as the narrative does not only organize itself around the representation of the damage caused by credit, but also uses patterns and structures that belong to fiduciary logics. By studying the various ways credit fits into the narrative, we notice that literature either turns into a flat representation of credit, or shows the profound influence of the logics of credit inside the narrative. Whereas credit is a mere process of melodrama in Dumas’ or Karr’s works, it appears to be a major dynamic factor in Balzac’s novels, in which money is submitted to the complex dialectics of time and desire. Much more than a purely financial expedient, credit becomes a moral and economic way of living and interacting, and it appears to be a principle of writing.

