Annales de géographie n° 709-710 (3-4/2016)
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Cet article tente de saisir la part de l’imaginaire dans la genèse du lieu (considéré non comme topos cartographique mais comme chôra porteuse de sens), en examinant le processus de sémiotisation né de fictions littéraires devenues des mythes. Il examine les cas de deux utopies issues de la présence européenne dans l’océan Indien occidental à partir du XVIe siècle : Libertalia et la Lémurie. Méthodologiquement, il relie des sources et des analyses littéraires et historiques à des données récoltées durant plus de deux années de séjour en pays Betsimisaraka (Madagascar). Étudier des mythes portant sur des topos situés dans l’océan Indien occidental bien qu’eurocentrés présente un intérêt heuristique pour mettre en avant le décalage entre topos et chôra et envisager les facteurs d’impacts rétroactifs de la seconde sur le premier. Cet article commence par replacer ces deux figures dans l’histoire littéraire, afin de comprendre comment elles se sont fait mythes. Puis, appliquant la distinction berquienne d’« empreinte » et de « matrice » à la chôra, il interroge d’abord la chôralité-empreinte des mythes (qui, par la culture dont ils sont porteurs, donne sens à l’espace où ils se déploient), puis leur chôralité-matrice (les modifications qu’ils ont engendrées dans le réel).
This article attempts to define the way in which imagination contributes to the genesis of a place (considered as a chora which makes sense, not as a cartographic topos) by examining the process of semiotization engendered by fictions which became myths. It focuses on two cases : Libertalia and Lemuria, two utopias born from the European presence in the Western Indian Ocean since the 16th Century. Methodologically it connects sources and literature analysis with data collected in the field over a period of more than two years in Betsimisaraka land (Madagascar). Studying Eurocentric myths which take place in the Western Indian Ocean is heuristically efficient, showing the divergence between topos and chora and to bring to light factors involved in retroactive impacts exerted by the latter on the former. Firstly this article contextualizes those two utopias in the history of literature, in order to understand how they became myths. Then, by transferring on chora the distinction established by Berque between “imprint” and “matrix”, it questions the “imprint-chorality” of myths (giving sense through culture to spaces where these unfurl) and finally their “matrix-chorality” (transforming the reality).