ANNALES DE GÉOGRAPHIE - N°755 (1/2024)
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À partir des exemples de deux villes du Sud-Ouest de la France, Pau et Bordeaux, cet article vérifie l’hypothèse théorique selon laquelle les espaces géographiques seraient le fruit d’une intense et opiniâtre production sociale (largo sensu). Le modèle méthodologique de la formation socio-spatiale fournit les outils opératoires d’une telle démonstration. Le récit de la production des deux espaces territoriaux de Pau et de Bordeaux met en lumière la subtile interpénétration des substrats géo-économiques de ces sociétés localisées et des formes de pouvoirs, comme des représentations idéologiques et culturelles qu’elles ont connues dans la longue durée. C’est sur ce terreau de l’espace produit et territorialisé (palimpseste) que surgissent, à la conscience de chaque individu, des images médiatisées par une sorte d’imaginaire collectif (ou social) qui enrichissent et qui arriment au territoire son espace vécu. Ces représentations sensibles, chargées d’affect, de mémoire et « d’habitus », à la fois libres et imprégnées d’idéologie collective, témoignent du rapport à l’espace de chacun et se révèlent précieuses pour cerner les enjeux de tout aménagement.
Using the examples of two cities in southwestern France, Pau and Bordeaux, this article purposes to test the theoretical hypothesis that geographical spaces are the result of intense and obstinate social production ( largo sensu). The methodological model of social-spatial formation provides the operational tools for such a demonstration. The account of how the two territorial spaces of Pau and Bordeaux came about highlights the subtle intermingling between the geoeconomic substrates of these strongly grounded societies and forms of power, as well as the ideological and cultural representations they have undergone over long periods of time. It is on this soil of produced and territorialized space (a palimpsest) that, for each individual consciousness, images emerge, facilitated by a sort of collective (or social) imagination that enriches and anchors his/her lived space to the territory. These representations, grounded in the senses, charged with affect, memory and ‘habitus’, both individual and suffused with collective ideology, bear witness to the way each individual relates to the space he lives in and prove invaluable in identifying the issues at stake when any urban development is planned.