ANNALES DE GÉOGRAPHIE - N°758 (4/2024)
Pour acheter ce numéro, contactez-nous
Recevez les numéros de l'année en cours et accédez à l'intégralité des articles en ligne.
Cet article vise à comprendre la manière dont les minorités sexuelles et de genre parviennent à négocier un accès à la ville de Beyrouth en s’appropriant et en s’aménageant l’espace-temps de la voiture lors de leurs déplacements nocturnes. Fondée sur une enquête ethnographique, la présente étude repose sur des entretiens semi-directifs et des observations participantesmobiles réalisés dans le cadre plus général d’une thèse sur les stratégies spatiales des minorités sexuelles et de genre à Beyrouth. Malgré les lourdes pesanteurs sociales et juridiques du contexte libanais, les subjectivités et les sociabilités qui prennent place au bord de la voiture attestent de l’agentivité de cette population minoritaire à transgresser les normes sexuelles et genrées établies. Cette transgression est rendue possible par un savoir-faire conséquent de la ville qui permet d’éviter et de contourner différents rappels à l’ordre. En raison de ses caractéristiques spatiotemporelles éphémères et à la fois intérieures et extérieures, l’espace-temps de la voiture mobile s’apparente à un « entre-lieux » qui donne à voir un espace rassurant mouvant et à micro-échelle dans l’espace urbain. Ainsi, l’entre-lieux de la voiture laisse entrevoir un accès minoritaire à la ville par la mobilité, ce qui incite à réinterroger certaines visions binaires et statiques des lieux et en particulier ceux des safe spaces qui se trouvent au sein de la géographie du genre et des sexualités.
This article aims to explore how sexual and gender minorities negotiate their presence in Beirut by appropriating the space-time of the car during their nighttime mobilities. Drawing from ethnographic research, the study is based on semistructured interviews and mobile participant observations conducted as part of a PhD dissertation on queer spatial strategies in Beirut. Despite the significant social and legal constraints in Lebanon, the queer subjectivities and social interactions occurring within the car demonstrate the agency of this minority population in challenging established sexual and gender norms. This defiance is facilitated by a knowledge of the city’s urban structure that enables individuals to navigate and circumvent its restrictive spatialities. Given its ephemeral and dual spatiotemporal characteristics, encompassing both the interior and the exterior, the private and the public, the space-time of the mobile car evokes an “in-betweenplaces” which provides a presence in the city while maintaining a certain degree of safety. The in-between nature of the car thus offers a glimpse into a safe yet fluid space within urban space. Consequently, the in-between characteristics of the car suggest an access to the city through mobility, prompting a reconsideration of binary and static understandings of spaces, particularly those related to the concept of “safe spaces” within the geography of gender and sexualities.