Annales historiques de la Révolution française Nº411 (1/2023)
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Joan Scott, dans son texte fondateur sur le féminisme dans la Révolution franc¸aise, a écrit sur la position « paradoxale » dans laquelle la nouvelle définition, exclusivement masculine, de la citoyenneté a placé les femmes qui cherchaient à s’intégrer dans la sphère politique. Selon elle, les femmes étaient contraintes soit de nier leur différence avec les hommes, soit d’affirmer leur féminité et de saper ainsi leur cause. Cet article soutient qu’il existait cependant une troisième manière, tout aussi paradoxale, mais potentiellement plus efficace, pour les femmes politiques de cette période, de défendre leur inclusion dans la sphère politique. Il s’agit du refus de s’engager dans le sujet. Je suggère que, dans certains contextes, un silence presque total sur le sujet des femmes pourrait en soi être un argument politique puissant. S’appuyant sur des études contemporaines sur le genre et le développement, ainsi que sur l’exemple de Sophie de Grouchy (1763-1822), actrice politique pendant la Révolution franc¸aise et épouse de Condorcet, lui-même défenseur des droits des femmes, cet article interroge l’importance des silences dans l’histoire intellectuelle. En construisant une méthodologie provisoire pour lire ces omissions, je soutiens que cela est essentiel pour l’évolution de l’histoire du féminisme.
Joan Scott, in her seminal text on feminism in the French Revolution, wrote of the « paradoxical » position which the new, exclusively male, definition of citizenship had put women who sought inclusion in the political sphere. Women were driven, she argued, either to deny their difference from men, or affirm their womanhood and thus undermine their case. This article argues that there was, however, a third, equally paradoxical, yet potentially more effective way that political women in this period argued for their inclusion in the political sphere. This was by refusing to engage with the subject at all. I suggest that, in certain contexts, almost total silence on the subject of women could in itself be a powerful political argument. Drawing on scholarship from the field of contemporary gender and development studies, as well as the example of Sophie de Grouchy (1763-1822), a political actor during the French Revolution and wife to Condorcet, himself an outspoken advocate for women’s rights, this article interrogates the importance of silences in intellectual history. Constructing a tentative methodology for reading these omissions, I argue that doing so is essential for the evolution of the history of feminism.