Revue d'histoire des sciences (1/2018)
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La capacité de préparer des sérums et des vaccins capables de guérir ou d’immuniser les êtres humains était affichée par les bactériologistes de la fin du XIXe siècle comme l’un des principaux acquis de la « révolution microbienne ». Toutefois, les difficultés rencontrées pour développer un produit thérapeutique allongeaient le chemin conduisant de sa conception à la standardisation et utilisation à grande échelle. Ce décalage est bien illustré par l’analyse de la trajectoire du sérum antipesteux, conçu entre 1894 et 1895 à l’Institut Pasteur. La difficulté majeure ayant ralenti sa standardisation tient à des essais pratiqués en Inde – et non en France – lors des épidémies de peste bubonique de 1897 et 1898. L’analyse des lettres et des cahiers de terrain des deux chercheurs responsables des essais, Alexandre Yersin et Paul Simond, révèle leurs stratégies et les relations qu’ils durent nouer avec les acteurs locaux pour parvenir à leurs fins. Elle dévoile également la compétition et les controverses inévitables ayant opposé Yersin et Simond à d’autres chercheurs européens désireux de tester leurs propres produits en Inde.
The capacity of preparing serums and vaccines that were able to cure or to immunize people was presented by the bacteriologists of the end of the 19th century as one of the most important achievements of the « microbiological revolution ». However, the difficulties encountered during the development of a therapeutic product elongated the path between the conception of such a product and its standardization and utilization in large scale. This discrepancy between speech and reality can be illustrated by the analysis of the trajectory of the antiplague serum, conceived between 1894 and 1895 at the Pasteur Institute. The greatest difficulty that slowed down its stabilization was the fact that it was tested in India, and not in France, during the epidemics of the bubonic plague of 1897 and 1898. The analysis of letters and notebooks belonging to the two researchers responsible for the essays, Alexandre Yersin and Paul Simond, reveals their strategies and the relationships that they had to develop with the local actors to achieve their goals. It also unravels the inevitable competition and controversies opposing Yersin and Simond to other European researchers who were in India to test their own products against the plague.