Revue d'histoire des sciences (2/2016)
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Albert Vandel et Pierre-Paul Grassé furent des zoologistes reconnus et influents en France dès le milieu du XXe siècle. Ils furent également, en France, parmi les derniers opposants scientifiques aux thèses du néodarwinisme, défendant une forme de néolamarckisme jusque dans les années 1980. Leurs théories ne sont pas équivalentes mais sont toutes deux fondées sur l’idée que l’évolution est le résultat de processus et de réactions internes à l’organisme, qu’elle est orientée dans le sens d’une complexification du psychisme mais qu’elle est tout de même « créatrice », au sens où elle est imprévisible et porteuse de nouveautés. Ils ne proposent néanmoins jamais de mécanisme pouvant constituer une alternative à la sélection naturelle. Notre analyse des arguments que Vandel et Grassé avancent contre les thèses du néodarwinisme nous conduira à montrer que leur évolutionnisme repose sur leurs thèses cosmogoniques et métaphysiques. On retrouve dans ces thèses des éléments de la métaphysique d’Henri Bergson et de la cosmogonie théologique de Pierre Teilhard de Chardin. Leurs postulats scientifiques et métaphysiques diffèrent, parfois de manière très importante, mais leur vision de l’Homme, de la valeur et la destinée de l’humanité, semble être le point où convergent leurs pensées, justifiant leur rejet commun de l’adaptation et du hasard darwiniens et leur vision philosophique de la biologie.
Albert Vandel and Pierre-Paul Grassé were influential and academically acclaimed zoologists in France in the second half of the 20th century. They were among the last scientific adversaries of Neo-Darwinism in France, proposing instead a form of Neo-Lamarckism up until the 1980s. Their theories were not equivalent but were both founded on the idea that evolution is internally driven, teleologically orientated but also « creative » in the sense that it generates unpredictable novelties. However, they proposed no alternative mechanism to replace natural selection. My analysis of their scientific, epistemological and metaphysical arguments shows that their take on evolution relied on cosmogonical and metaphysical explanations, founded on elements from Henri Bergson’s metaphysics of duration and Pierre Teilhard de Chardin’s theological cosmogony. Despite theoretical differences they shared ideas about mankind’s nature and destiny in the universe, which justified, in their view, their repudiation of Darwinian adaptatiadaptation and chance as well as their philosophical vision of evolution.