
Revue d'histoire des sciences (2/2016)
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Si aucun élément n’atteste à première vue de la présence d’un modèle mathématique au sein des Méditations métaphysiques, la revendication de Descartes d’avoir suivi le « mos geometricus » nous invite à surmonter cette impression pour réexaminer son art de la méditation. En relisant les principales lettres de 1640 (où Descartes caractérise et critique sa démarche métaphysique), en prenant acte de la continuité qui relie ces lettres aux dernières pages des Secondes réponses de 1641, on voit émerger un modèle argumentatif de nature mathématique s’appuyant sur la notion classique de l’analyse des géomètres. Mais, si l’analyse participe activement à la concrétisation de « l’ordre des raisons » dans le contexte du doute hyperbolique, cette analyse s’entend en un sens nouveau, proprement cartésien, où sont combinés deux outils argumentatifs communs à la géométrie et à la métaphysique, la supposition et l’énumération. Cet article cherche à montrer en quel sens le dispositif central de la métaphysique cartésienne peut être dit authentiquement géométrique sans relever pourtant d’une « chaîne de raisons » strictement linéaire.
Although nothing shows at first sight that the Metaphysical meditations are built in accordance with a mathematical model, Descartes’ claim to have followed the « mos geometricus » invites us to pass over that first impression and to reconsider the Cartesian art of meditation. Descartes’ main letters of 1640 (where he describes and also criticizes his metaphysical method) along with the last pages of the Second replies of 1641 reveal indeed a mathematical pattern of argumentation based on the classical notion of geometrical analysis. But, if analysis plays an active role in the realization of the « order of reasons » within the context of hyperbolic doubt, it is deeply transformed by Descartes and amounts to a combination of two argumentative tools, namely supposition and enumeration, which are common to geometry and metaphysics. This article suggests in which sense the very method of Cartesian metaphysics, while not following a strictly linear « chain of reasons », can be genuinely said geometrical.