
Revue d'histoire des sciences (2/2019)
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Grâce à la similitude des équations différentielles mécaniques et électriques, les variables de ces deux domaines avaient déjà été mises en correspondance analogique au début du XXe siècle ; cette association est consolidée par l’idée d’une causalité entre force et vitesse se reportant sur la tension et l’intensité. Le but de cet article est d’étudier comment, de 1920 à 1960, les ingénieurs ont compris, adapté, fait évoluer ce rapport analogique entre domaines de l’ingénierie. À la fin de la guerre 1914-1918, le domaine électrique se dote de concepts et de théorèmes qui dispensent de résoudre de difficiles équations différentielles. Par raisonnement analogique, les diverses méthodes de l’électricité s’exportent vers le domaine mécanique et permettent d’assembler, non seulement dans des équations, mais aussi dans des circuits équivalents électriques, les deux dynamiques, notamment en acoustique et électromécanique. Mais une difficulté surgit lors de l’élaboration des circuits équivalents, la nature série ou parallèle des schémas étant inversée entre domaines électrique et mécanique. Pour résoudre ce problème, une nouvelle analogie est proposée. C’est Floyd A. Firestone qui, en 1932, en fait une synthèse, la nommant analogie de mobilité. Elle met en rapport force et intensité, vitesse et tension. Cette nouvelle analogie ne reçoit d’écho de la part de la communauté des ingénieurs qu’en 1939. Les avis sont alors partagés, des ingénieurs signalant que, selon leur choix analogique, une impossibilité survient dans la formulation d’un des couplages électrostatique ou électromagnétique entre systèmes. C’est l’élaboration du gyrateur, nouveau composant mettant en relation force et intensité, qui, autour de 1950, rend chacun des deux systèmes analogiques apte à formuler les deux natures de couplages. Le choix entre l’un ou l’autre est ainsi laissé à l’estimation du concepteur. Les années cinquante voient s’étendre aux autres domaines la mise en relation des grandeurs physiques. Les tensions qui subsistaient étant levées les unes après les autres, les différents domaines peuvent être unifiés dans la mise en correspondance de leurs variables, ouvrant la voie vers une discipline modélisatrice des systèmes multidomaines.
Because of the similarity between the differential equations used in mechanics and electricity, the variables of these domains had already been set in analogical correspondence at the beginning of the twentieth century. This relationship was reinforced by the idea of a causality between force and displacement transposed onto the variables of e.m.f. and current. The goal of this article is to show how, from 1920 to 1960, engineers understood, adapted and developed this analogical relationship between different domains of engineering. By the end of World War I, some new electrical concepts and theorems made it possible to proceed without solving difficult differential equations. By analogy, the various electrical methods were transferred to the mechanical domain, allowing parallels to be drawn, not only due to the use of the same equations but also in networks equivalent to electrical circuits, notably in acoustics and electromechanics. But a difficulty arose in elaborating these equivalent networks, as their series or parallel character was inversed between the electrical and the mechanical domain. To overcome this problem, a new analogy was developed. In 1932, Floyd A. Firestone proposed a synthesis that he called the mobility analogy. This analogy linked force and current, displacement and tension, but it only seems to have come to the attention of the engineering community in 1939. The community was divided over the approach, with some engineers pointing out that, depending on which analogy they chose, it was impossible to formulate either the electromagnetic or the electrostatic coupling between systems. The elaboration of a gyrator, a new component linking force and current, around 1950 allowed each of these analogical systems to formulate the two kinds of coupling. The choice between them could then be left to the engineer's discretion. During the 1950s, the linking of quantities extended to other domains. All the remaining problems were solved one after the other, and the various domains could be unified by the linking of their variables, enabling a discipline that could model multi-domain systems.