ROMANTISME N° 182 (4/2018)
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L’antiromantisme de Péguy vient d’abord de son socialisme : le classique tel qu’il le définit promeut le travail et l’action, tandis que le romantisme relèverait de la représentation et de la théâtralisation de soi.Cependant, c’est dans ces catégoriesmêmes que Péguy s’avère plus romantique qu’il ne le dit : ses engagements civiques successifs s’accompagnent d’une tendance individualiste et volontiers sécessionniste, laquelle conduit à partir de 1909 au désir assumé d’écrire ses Confessions, projet relevant directement de la « représentation de soi » qu’il condamnait. En s’inscrivant dans une filiation rousseauiste, Péguy se rapproche d’une figure honnie par les antiromantiques conservateurs de son temps, en particulier Pierre Lasserre. Toutefois, il n’a pas renoncé à son antiromantisme, et ces Confessions restent un projet ressassé d’essai en essai sans être jamais directement mis en oeuvre, sur le mode de la prétérition.
Péguy’s anti-romanticism takes its roots first of all in his socialism: classicism as he defines it promotes work and action, while romanticism pertains to the representation and dramatization of the Self. However, it is within these very categories that Péguy shows himself to be more romantic than he realises: his successive civic investments accompany an individualistic and often separatist sensibility, which leads him, from 1909 onwards, to vindicate a wish to write his Confessions, a project in line with the idea of “self-representation” he had condemned. In following in Rousseau’s footsteps, Péguy associates himself with a personality hated by the anti-romantic conservatives of his time, in particular Pierre Lasserre. However, he did not relinquish his anti-romanticism, and these Confessions stayed a project mulled over from essay to essay without ever being started directly – in preterition mode.