ROMANTISME N°196 (2/2022)
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Inscrite dans les enjeux qui se tissent au XIXe siècle entre poésie et musique, la mélodie française se constitue en contre-modèle, dans une posture critique qui tend à mettre en cause l’esthétique de l’intentionnalité romantique (présence d’une subjectivité organisant sens et sensibilité, déterminations historiques ou divines contaminant le matériau). Tard venue dans le siècle au regard de la romance et du Lied, elle donne congé à cette intentionnalité généralisée : en elle, le sujet et l’objet se dissolvent au profit d’une conscientisation du « caractère mortel de l’expérience sensible » (Adorno). À l’infinitude qui nourrit l’esthétique romantique répond la finitude d’un art qui se concentre sur son seul matériau, remplaçant ainsi le sentiment élégiaque romantique par l’idée de la nécessité de faire le deuil, précisément, des deuils à travers lesquels le romantisme avait trouvé sa puissance d’expression.
French melody, at the heart of the issues involving poetry and music in the 19th century, constitutes a counter-model, within a critical posture that tends to question the aesthetic of Romantic intentionality (the presence of a subjectivity organising sense and sensibility, historical or divine determinations contaminating the medium). A late arrival in the world of 19th century romance and Lied, it gets rid of this pervasive intentionality: in it, subject and object dissolve in favour of a bringing to consciousness “the mortal character of sensual experience” (Adorno). The finite character of an art concentrated on its own medium answers the infinite upon which the Romantic aesthetic feeds, and thus replaces Romantic elegiac sensibility by the idea of the necessity to mourn mournings and lamentations themselves, mournings through which Romanticism had recovered its expressive powers.