Annales de Géographie n° 702-703 (2-3/2015)
Pour acheter ce numéro, contactez-nous
Recevez les numéros de l'année en cours et accédez à l'intégralité des articles en ligne.
Le fonctionnement des économies des pays du Golfe repose sur le travail des étrangers, qui forment 85 % de la population au Qatar. Parmi ceux-ci, une grande partie des migrants peu payés sont logés dans des camps de travailleurs (labour camp), une forme de « logement contraint » (Bernardot, 2007) correspondant à une gestion spatiale de la main-d’oeuvre basée sur des stéréotypes ethniques et sociaux. Les migrants, principalement sud-asiatiques, sont ainsi logés à la périphérie des villes, dans les zones industrielles où sont situés les camps de travailleurs, un dispositif au coeur de la politique migratoire. Dans un contexte contraint, où l’enfermement signifie surtout une impossibilité de se mouvoir hors des zones industrielles, les hommes parviennent néanmoins à habiter leur dortoir. Ils « font avec » les contraintes institutionnelles en employant les tactiques et bricolages que les faibles ont à leur disposition (De Certeau, 1990). Les dortoirs, lieux de vie principaux hors du travail, sont l’objet d’appropriations fines mais indispensables, qui forment autant de micro-résistances à la dépersonnalisation des migrants. Mais le repli sur le dortoir correspond aussi au souhait des autorités de nier toute ambition politique aux migrants considérés comme de passage.
Persian Gulf economies rely on foreign workers, who make up 85 % of the total population in Qatar. Among the latter, lowly migrants live in labour camps, a form of “constrained lodging” (Bernardot, 2007) corresponding to a spatial management of migrants based on strong social and ethnic stereotypes. Migrants, most of them South Asians, thus live in the towns’ suburbs designated as industrial areas where the camps are situated. These camps are a device at the heart of Qatari migration policy. In a constrained context, where confinement above all means an impossibility to move out of the industrial areas, men manage to make home in the dormitory where ten to twelve of them live together. They “make do with” institutional constraints by using tactics and do-it-yourself solutions the weak have at their disposal (de Certeau, 1990). Migrants appropriate dormitories, the main living spaces away from work, in subtle though indispensable ways. These appropriations are like micro resistances to lack of concern about migrants’wellbeing and living conditions on the part of the authorities. However, the retreat into the dormitory also conveniently meets the wishes of the Qatar State to quash all political aspirations of migrants considered only as a temporary imported
workforce.