Annales historiques de la Révolution française Nº413 (3/2023)
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Faire l’histoire de l’enfance au travail dans le monde de l’imprimerie c’est se heurter au silence des sources. Avec la suppression des corporations, le statut de l’apprenti disparaît. Si les jeunes ouvriers continuent de travailler dans les ateliers, appréhender les trajectoires individuelles, les pratiques ou la réalité matérielle de leur labeur devient une véritable gageure. Pourtant, en dehors des espaces de production traditionnels, l’enfant-typographe est paradoxalement érigé en figure emblématique d’un modèle d’éducation républicaine dans les premières années de la Révolution. Au sein de plusieurs institutions – écoles typographiques pour filles, Société des jeunes Français ou instituts d’infirmes – de jeunes gens sont formés aux métiers de l’imprimerie afin de leur garantir un futur salaire, mais aussi de les faire entrer dans un monde ouvrier associé dans l’imaginaire collectif à la réussite de la Révolution : un métier vecteur par excellence de la diffusion des idées des Lumières. Sous couvert d’expériences pédagogiques, ces établissements réinstaurent finalement l’apprentissage traditionnel. Ces jeunes ouvriers restent des travailleurs subalternes, peu rémunérés, mais surtout désormais peu considérés par les autres ouvriers qui voient en eux l’incarnation d’une dévalorisation du métier de typographe.
To write a history of childhood at work in the field of printing is to run up against the silence of the sources.With the abolition of the guilds, the status of the apprentice disappeared. While young workers continued to work in the workshops, understanding individual trajectories, practices, and the material realities of their labor constitutes a formidable challenge. And yet, outside the traditional spaces of production, the child-typographer paradoxically became an emblematic figure of a republican education model in the early years of the Revolution. In a number of institutions – typographical schools for girls, the Société des jeunes Franc¸ais and institutes for the infirm – young people were trained in the printing trades to guarantee them a future salary, and to introduce them to a working-class world associated in the collective imagination with the success of the Revolution : a trade par excellence for spreading the ideas of the Enlightenment. Under the guise of pedagogical experiments, these establishments ultimately reinstated traditional apprenticeships. These young workers remained menial laborers, poorly paid and, above all, held in low esteem by other workers, who saw them as the embodiment, representing of a devaluation of the typographer’s craft.