
Histoire, économie & société (3/2010)
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La médecine militaire française connaît, tout au long du XIXe siècle, une crise de recrutement dénoncée par le corps de santé de l’armée. L’assimilation aux grades de l’armée et l’autonomie par rapport à l’intendance sont particulièrement revendiquées. Si la première est à peu près acquise en 1860, c’est la loi du 16 mars 1882 qui accorde vingt ans plus tard la seconde aux médecins militaires. Dans l’intervalle, les arguments la réclamant s’appuient sur des exemples pris dans les conflits qui se succèdent au cours des années 1855-1870, illustrant les inconvénients de la subordination du service de santé à l’intendance en campagne. La guerre de Crimée est particulièrement mise en avant dans le discours visant à l’amélioration statutaire des médecins de l’armée, surtout à partir de 1865, lorsque la publication par le médecin principal Jean-Charles Chenu du Rapport au Conseil de santé des armées sur les résultats du service médico-chirurgical aux ambulances de Crimée et aux hôpitaux militaires français de Turquie pendant la campagne d’Orient en 1854-1855-1856 fait découvrir à un public relativement large que plus de 95 000 soldats français sont morts au cours de ce conflit dont environ 75 000 de maladies, des chiffres proportionnellement plus importants que dans l’armée anglaise. L’organisation des services de santé expliquerait ces mortalités différenciées. Le discours met également en avant le service de santé des troupes américaines au cours de la guerre de Sécession, reposant sur le même principe de liberté. À partir de 1865, l’efficacité des services de santé anglo-saxons et les lourdes pertes françaises sont donc largement reprises dans la presse, médicale ou non et deviennent des lieux communs du discours politique lorsque, au début de la Troisième République, se pose la question de la réorganisation du corps de santé.
All along the 19th century, a deep recruitment crisis characterized French military medicine, whose doctors asked for military assimilation and autonomy from the Intendancy. Whereas the first one was granted in the year 1860, the second was conceded twenty years later through an Act voted by Parliament in 1882. Arguments lie on exemples taken in the wars of the Second Empire, which showed difficulties of subordination in the daily work of the military pratician on the battlefield. The Crimea War was highlighted in the discourse which aimed at the bettering of military doctor condition, principally after 1865, when a long report written by the Chief-doctor Chenu Rapport au Conseil de santé des armées sur les résultats du service médico-chirurgical aux ambulances de Crimée et aux hôpitaux militaires français de Turquie pendant la campagne d’Orient en 1854- 1855-1856 showed to a large public that 95 000 men had died during this commitment and among them, 75 000 through diseases, a higher proportions than in the British Army. The organization of military medicine could explain this difference. Similarly, the discourse insisted on the efficiency of the American Army’s Medical Service during the Civil War. From 1865 on, the efficiency of Anglo-Saxons military medical services and the high number of deaths in the French Army were used in both medical and general press in France, becoming a cliché of political argumentation when, on its eve, the Third Republique was thinking about reorganizing the Army and its medical service.

