
Romantisme n° 148 (2/2010)
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Les critiques qui s’inspirent de la psychologie expérimentale naissante (Taine, Bourget, Hennequin, Gourmont) conçoivent le style comme une réserve de signes qui permettraient d’accéder au plus intime de la création littéraire. Si la signature stylistique semble ainsi valorisée, elle est cependant interprétée, soit à la lumière d’une clinique de l’imagination, soit à partir d’une clinique du langage. Le soupçon que la psychologie expérimentale fait peser sur le sujet classique, la représentation qu’elle donne du moi comme une construction empirique plus ou moins stable, se retrouvent ainsi dans l’analyse des styles, au point que la notion d’auteur semble mise en cause. Elle resurgit cependant là où on ne l’attendait pas, c’est-à-dire dans les considérations sociologiques qui prolongent l’étude psychologique des oeuvres. Sous des formes antithétiques, Taine et Hennequin affirment, en effet, que les audaces stylistiques des écrivains sont « autorisées » par leur public, soit qu’ils correspondent aux attentes de celui-ci, soit qu’ils agrègent autour d’eux un auditoire qui les reconnaît et qui se reconnaît en eux. Le style d’auteur est donc situé dans un entre-deux inconfortable, soit qu’en amont on traverse les signes stylistiques pour considérer une psyché qui n’est pas maître d’elle-même, soit qu’en aval on ne prenne en compte que des effets.
Critics inspired by early experimental psychology (Taine, Bourget, Hennequin, Gourmont) consider style to be a set of signs that would allow the critic to get to the most intimate level of literary creation. If the stylistic signature seems to be valorized thusly, it is nevertheless interpreted through the light afforded by a “clinic” of the imagination or by that of a “clinic” of language. The suspicion experimental psychology puts on the classical subject and the representation that it gives of the self as a more or less stable empirical construction are thus found in the analysis of styles to the extent that the notion of the author seems to be put into question. That notion returns however where it was least expected, i.e., in the sociological consideration that extends the psychological study of literary works. Indeed, in opposing ways, Taine and Hennequin state that daring stylistic traits of writers are “authorized” by their readership, whether the traits correspond to the expectations of the readers or whether they enable a public that recognizes them and recognizes itself in these traits. Thus, the style of an author is situated on an uncomfortable middle ground, whether, on the one side, one crosses stylistic signs to ponder a psyche that is not its own master or, on the other side, one considers only the effects.

