LITTÉRATURE Nº216 (4/2024)
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Dans un monde devenu souvent irrespirable, du fait de la dégradation écologique, politique et sociale des conditions de vie et des habitats, les poèmes, leur lecture et leur traduction peuvent-ils participer à une « écologie sociale du souffle » (Marielle Macé) ? Cet article propose d’explorer cette question en s’approchant d’une voix singulière : la poétesse argentine Susana Thénon (1935-1991) a patiemment élaboré son écriture à partir d’une parole constamment menacée par l’asphyxie. Elle invente alors des formes et des modes de dire propres à apprivoiser ou dépasser le manque d’air : l’une des étapes cardinales de son parcours est la traduction de poèmes de Rilke, qui lui permet de penser les conditions d’une nouvelle poétique. À partir de la trajectoire de Thénon, nous faisons l’hypothèse d’une pratique écoféministe de la traduction poétique, qui permettrait de composer avec la violence inhérente du traduire. La traduction, comme lecture patiente et processuelle, est une entrée dans la relation, une reconnaissance de la différence et de la singularité du texte à traduire, et rend possible une écoute adéquate, une respiration partagée. Quelques traductions de poèmes de Thénon irriguent notre réflexion.
In a world that has become unbreathable due to the ecological, political and social degradation of living conditions and spaces, can poems and their translation contribute to a « social ecology of breath » (Marielle Macé) ? This article explores this question focusing on a singular voice: Argentinian poet Susana Thénon’s (1935-1991), who patiently crafted her writings with her voice under constant threat of asphyxiation. She invented forms and modes of expression able to taming or overcoming the lack of air: one of the more important steps in her creative path was the translation of few Rilke’s poems, which enabled her to think of the conditions for a renewed poetics. Drawing on Thénon’s career, the paper puts forward the hypothesis of an ecofeminist practice of poetic translation, which helps to deal with the violence inherent in translation. Translation, as a patient, processual form of reading, is an entry into relationship, a recognition of the difference and singularity of the text to be translated, one that makes it possible to listen appropriately, and to breath together. Translations of few Thenon’s poems escort the paper’s argument.