Revue d'histoire des sciences - Tome 65 (1/2012)
Pour acheter ce numéro, contactez-nous
Recevez les numéros de l'année en cours et accédez à l'intégralité des articles en ligne.
Il est acquis que les thèses darwiniennes et surtout néodarwiniennes connurent une implantation difficile dans la communauté scientifique française. L’opposition qu’elles rencontrèrent participa à structurer un transformisme différent, généralement qualifié de néolamarckien. Ce transformisme français fut souvent décrit – et parfois par les scientifiques eux-mêmes – comme une entité hétérogène, simple juxtaposition de conceptions critiques sans unité générale. Nous défendons ici une interprétation inverse de cette histoire. L’objet de ce texte est de présenter la positivité propre du néolamarckisme français. Ceci sous-entend que, d’une part, ce transformisme disposait d’une certaine cohérence interne, et que, d’autre part, celle-ci n’est pas réductible à une forme générale dont le cas français ne serait qu’une délimitation simplement géographique. Le néolamarckisme français fut cohéré par un projet, celui de rendre scientifique l’hypothèse transformiste. Il fallait à cette ambition une assise théorique, soit l’inscription de cet évolutionnisme dans l’explication causaliste mécanique de l’univers matériel. Il lui fallait également une projection empirique, soit le développement de ce que l’on appela alors le transformisme expérimental. Derrière ce projet, on lit le désir de construire un transformisme analogue au modèle de scientificité qu’était à la fin du XIXe siècle la physiologie bernardienne.
It is generally acknowledged that the Darwinian and especiallyNeo-Darwinian theses had a difficult reception in the Frenchscientific community. A different sort of transformism, generally qualifiedas Neo-Lamarckian, fueled the opposition with which they met.This French brand of transformism has often been described – and sometimesby the scientists themselves – as a heterogeneous entity, asimple juxtaposition of critical conceptions without any general unity.We would like to defend a different interpretation of this history. The main object of this paper is to present the positive aspect ofFrench Neo-Lamarckism. This implies that, on the one hand, thistransformism had a certain internal consistency, and that, on theother hand, this consistency was not reducible to a general form, theFrench case of which would be merely a geographical demarcation.French Neo-Lamarckism was driven by a specific project, that of renderingthe transformist hypothesis scientific. This aim called for atheoretical basis, that is the inclusion of this evolutionism in the causaland mechanical explanation of the material universe. It also requiredan empirical aspect, that is the development of what was calledexperimental transformism. Behind this project, we read the desire tobuild a transformism similar to the model of scientificity that Bernardianphysiology had acquired at the end of the 19th century.